Morsure

Assis près de la cheminée, Remus s'amusait avec un dragon de plomb aux couleurs rougeoyantes sur lequel le feu miroitait lascivement. Il approcha la figurine près de son visage et éclata d'un rire joyeux emplissant d'une gaité sereine le séjour, le jouet s'était mis à cracher une fumée mauve provoquant l'hilarité du petit garçon. C'était loin d'être nocif, juste une babiole amusante, un compagnon de jeu vous aidant à retrouver le moral quand il a disparu, et ce soir-là il en avait bien besoin. Son père, Mr.Lupin, revenait du Chaudron Baveur et il avait l'air très irrité. L'enfant était assez grand pour comprendre qu'il y'avait quelque chose d'étrange qui se tramait, c'est donc à semi attentif qu'il écouta la discussion de ses parents.

— Ils vont bientôt tous nous assiégez ces vils monstres, cria Mr.Lupin courroucé. La fille d'Hëreyn a faillit être tuée, la pauvre jeune fille recherchait son Croup dans la forêt, celui-ci s'était sauvé alors qu'elle regardait ailleurs. La malheureuse bestiole est morte, lacérait par les crocs d'un de ces Lycans, puis par la suite ils ont faillit s'attaquer à la petite, heureusement son père arriva à temps. Je vais dénoncer cette barbarie au ministère, on ne peut plus vivre en cohabitant avec ces choses.

Mme. Lupin contempla son époux avec une anxiété phobique, elle tritura son châle juché sur ses robustes épaules et lorgna son fils qui avait fini par s'arrêter de jouer, intriguer par la tournure des événements.

— Ne parle pas ainsi devant le petit, tu as une aversion pour ces créatures depuis que Fenrir Greyback t'as un peu asticoté au Pub, quel Troll t'as soufflé à l'oreille d'aller provoquer un tel monstre ! Je n'ose plus sortir de la maison et la pleine lune me terrifie, ce n'est pas le genre à proférer des menaces en l'air.

Larmoyante, elle ne quittait plus la fenêtre donnant sur le perron, elle était terrifiée car elle savait ce qui les attendaient, elle connaissait le barbare Greyback. Il n'avait aucune étique, il répandait l'épouvante dans son sillage avec une délectation morbide. Elle avait peur, très peur, quant à Mr.Lupin, lui, prenait cette altercation avec l'homme loup au second degrés. C'était un impulsif, il ne pensait pas toujours ce qu'il débitait impétueusement et ses agissements étaient souvent irréfléchis, sur le coup d'une colère ou d'une émotion qui le dépassait. Il n'était pas colérique, c'était une bonne personne, un mari exemplaire et un père affectueux mais lorsqu'il était dans cette posture, Remus le savait bien du haut de ses sept ans, il fallait le laisser seul, histoire qu'il décompresse et c'est ce qu'il fit. Il repartit dans l'heure rendre visite à des amis proches habitant dans leur rue, Mme. Lupin avait décidé de rester avec son fils qui de toute évidence avait l'air éreinté par sa journée.

Quand l'heure du coucher arriva, Remus s'emmitoufla dans sa couette. Leur maisonnée ressemblait plus à une masure. Bien que dépourvu de luxure, le petit garçon s'y sentait bien et n'enviez pas les enfants du quartier, il aimait sa vie bien qu'elle soit mortellement ordinaire, ou du moins ordinaire d'un point de vue sorcier et non moldu.

Le garçonnet qui se trémoussait dans son lit à force de chercher le sommeil fini par s'extirper vivement de ses draps pour s'asseoir au rebord de sa fenêtre légèrement opaque de par sa déchéance et de sa piètre qualité, ses yeux se portèrent alors sur ce magnifique soleil blanc drapé de noirceur. Il fredonna une chansonnette et fronça les sourcils en entendant un bruit de pas accentuer par le grincement du parquet de bois.

— Maman ? Demanda-t-il incertain.

Il abandonna sa contemplation pour sortir de la ridicule petite pièce constituant sa chambre d'enfant, il continuait à marmonner sa chanson, il ne savait pas s'il avait peur ou non, l'histoire de son père n'était pas très rassurante mais la réaction de sa mère face à ces paroles l'étaient encore plus.

— Maman, tu es là ?

Il balaya le mince couloir d'un regard et fini par descendre les marches menant directement au salon, ce qui l'interpella en premier lieu fut les rideaux ondulant par le vent alors qu'il se souvenait que sa mère avait fermé précautionneusement toutes les fenêtres de la maison. En deuxième lieu se fut les tâches rouges sur le sol, bêtement il les suivit, ce qui le mena à la cuisine et c'est ainsi qu'il fit la découverte de Fenrir, mais celui-ci n'était plus un homme, aux yeux de Remus la créature auquelle il était confronté ressemblait à un anthropomorphe proche du loup, la première pensée qui traversa l'enfant fut d'attraper quelque chose afin d'abattre la bestiole si celle-ci venait à l'attaquer.

Alors que d'autre aurait fuit, lui vint spontanément prendre une fourchette oubliée sur la table à manger du séjour et marcha à reculons dans l'espoir de fuir indemne, mais le lycan ne put être dupé. Bien qu'il était occupé à fouiller dans les poubelles, il avait entendu le souffle du jeune sorcier et sentit son odeur, il ne pouvait pas lui échapper et c'est à cet instant, alors que Remus allait se jeter par la fenêtre du salon, que Fenrir planta son regard cruel et animal dans les prunelles de l'innocent. L'enfant cessa de marcher à tâtons et s'enfuit par la fenêtre d'une simple enjambée, perdant sa fourchette dans la foulée et couru le plus vite et le plus loin possible. Il avait deux solutions qui s'étaient ouvertes à lui, soit  se rendre chez un voisin et risquer qu'il se fasse tuer lui et les autres ou prendre ses jambes à son cou jusque dans la forêt et espérer le semer tout seul. Il avait choisi cette option et plus il l'éloignait de la maison et plus sa mère serait en sécurité, et cela l'influença énormément dans son choix.

Il ne fallut pas longtemps à Fenrir pour se jeter à la poursuite de sa victime, Remus qui était déjà à bout de souffle utilisa tout ce qui lui restait de force pour tenter de se cacher au coeur des bois. Il avait déjà atteint la lisière, ce qui avait été un exploit laborieux car la pente surélevée fatiguer plus vite qu'un terrain plat. Le jeune sorcier réussi à se coller dos à un énorme tronc d'arbre faisant quatre fois son épaisseur, il cogita énormément et il sut que sa cachette ne le dissimulerait pas éternellement, il avait bien tenté de couper sa respiration un maximum mais ce leurre ne pouvait fonctionner aussi longtemps qu'il l'aurait souhaité.

Plus loin il put entendre des cris, il n'avait pas réussi à parcourir une très longue distance.  La voix de son père lui parvint ( plus ou moins distinctement), ainsi que celle de l'ami à qui il avait rendu visite, mais ils étaient trop loin et la bête l'avait cerné. Son haleine fétide lui donnait un haut-le-coeur, de ses babines dégoulinait de la bave gluante. Le petit grimaça, crispant ses doigts aux écorces de l'arbre et maladroitement il trébucha sur une feuille et percuta de son pied le mollet du loup-garou qui couina plaintivement, un coup d'oeil rapide lui suffit pour comprendre. Le sang dans le salon était le siens, il avait été blessé par quelque chose ou quelqu'un, c'était une aubaine.

Il le regarda droit dans les yeux et lui donna un coup magistrale dans sa chaire contusionner et sanglante. Fenrir tomba de surprise plus que de douleur à terre et Remus en profita pour rebrousser chemin et aller à la rencontre de son père qui devait sûrement être armé de sa baguette, du moins il l'espérait.

Il fuit à nouveau, les larmes aux yeux et le coeur lui faisant mal, un poing de côté farouche l'assaillait vigoureusement et pourtant il ne se permit pas un seul instant de s'arrêter de courir. Il le sentait dans son dos, bien qu'affaiblit, la bête était toujours plus forte que lui et plus rapide.


— Papa, papa ! Hurla Remus en le voyant au loin, accompagné d'un attroupement d'amis du quartier, ils avaient sans doute étaient prévenus par Mme. Lupin.

— Remus, derrière toi ! S'égosilla son père.

Il fit surement la chose la plus bête de toute sa vie, mais entre nous, même s'il ne s'était pas retourné, la bête aurait eu raison de lui.

Trop loin pour intervenir, les sorciers et sorcières étaient prit au dépourvu et aucun d'entre eux n'étaient des prodiges de la baguette. Ils avaient peur qu'en intervenant ils le toucheraient lui, mais un sortilège mal projeté aurait surement était moins douloureux à vivre que ce qui allait suivre.

Fenrir n'hésita pas, bien qu'inconscient de ce qu'il faisait en tant qu'homme, en tant que bête il était très organisé dans ses faits et gestes. Il flagella le doux visage d'enfant de Remus par ses griffes, le mutilant à vie. Une grosse quantité de sang s'échappa de ses blessures et de par la violence du coup il tomba en arrière. Au loin il put entendre le hurlement de la meute de Greyback, ils n'allaient pas tarder à arriver, à l'achever se disait-il. La dernière chose qu'il se souvint de cette nuit fut la faciès du Lycan déformé par la rage, il avait senti une lancinante douleur au niveau de son flanc et lorsqu'il se réveilla six jours plus tard il n'était plus Remus John Lupin, mais Remus John Lupin le loup-garou. Et plus jamais il n'avait regardé la lune de la même manière, son enfance et son regard pur sur le monde s'était éteint d'une morsure.

Blessure

De ses sept ans jusqu'à ses onze ans, la famille Lupin avait déménagé six fois. Pourquoi me demanderez-vous ? Tout simplement car dans chaque village, quartier où ils s'installaient, Remus n'avait pas pu garder sa nature de loup-garou bien longtemps secrète avant que les sorciers environnants le découvrent et ne le traitent comme un pariât. Ils avaient même tenté d'emménager dans un coin de Londres où seuls les moldus cohabitaient, ce fut l'expérience la plus pénible qu'ils eurent à vivre. Tout d'abord parce qu'une moldu l'avait vous sous sa forme de monstre et surtout car les complications avec le ministère et cette moldu leur couta très cher. Au final ils choisirent de s'exiler pour vivre dans un coin où l'on ne trouvait pas d'individus à moins d'une heure de route, leur seul moyen de locomotion étaient la poudre de cheminette et dès leur isolement plus personne ne vint geindre sur les Lupin.

Remus se sentait coupable de devoir faire vivre ça à sa famille, ce qu'il ignorait c'est que son père se maudissait encore plus, il savait qu'il avait été le chef d'orchestre de ce drame mais n'en parla jamais à son fils. Il n'aimait jamais lui parler de sa " condition" sauf les soirs de pleines lunes où ils prenaient mille et une précaution afin que personne ne soit blessés lors de la mutation.

C'est au début du mois de juillet que la famille de bannis reçurent une visite à laquelle ils ne s'attendaient pas du tout, celle d'Albus Dumbledore. Le grand sorcier vint frapper à leur porte et avant de s'entretenir avec l'intéressé il discuta longtemps avec ses parents, Remus s'était interrogé sur la présence de ce grand monsieur ici, chez lui, il n'avait même pas osé rêver de rejoindre l'école prestigieuse depuis qu'il avait été maudit, c'est sans aucun doute l'un des jours qui marqua le plus son existence.

— Remus, mon garçon j'ai à m'entretenir avec toi, le requit le directeur de Poudlard.

C'est tous les deux qu'ils sortirent de la maison, sous la couve protectrice de sa mère et dans les prunelles de ceux de son père, il avait pu déceler un élan de fierté qu'il ne comprit pas sur le moment mais tout lui devint plus clair après avoir échangé quelques paroles avec Albus.

— J'ai fait quelque chose de mal ? Demanda Remus.

Il savait que le professeur était aussi président du Magenmagot, son coeur d'enfant avait tellement été enclin à la noirceur qu'il ne voyait même plus la lumière quand elle lui éblouissait la vue. Un rire réconfortant s'échappa des lèvres du grand sorcier, celui-ci posa sur l'enfant un regard tendre.

— Te sens tu coupables de quelque chose ?

— Tous les jours, répondit l'enfant rembruni.

Ils marchèrent tous les deux longtemps, jusqu'à une haute colline fleurie sur laquelle ils s'attardèrent. La vue qu'offrait cet endroit était d'une splendeur sans nom. Le soleil miroitait sur un grand lac où la vie faisait trembler les nénuphars, les arbres fruitiers embaumés la nature d'un parfum sucré exquis et les fleurs aux multiples couleurs étaient toutes plus belles les unes que les autres. Les deux protagonistes admiraient ce paysage un bon moment avant que Dumbledore brise le silence de sa voix douce et apaisante.

— J'ai quelque chose pour toi, de sa manche il sortit une lettre estampiller du sceau à l'effigie de Poudlard. Le jeune sorcier prit fébrilement le papier, ouvrit la lettre et relus plusieurs fois chacun des mots inscrits sur le parchemin. C'était bien adressé à lui, c'était son nom là, oui, mais il avait du mal à y croire.

— Monsieur, je ne comprends pas très bien.

— Tu es un élève parmi tant d'autres Remus et tu as aussi ta place à l'école.

L'enfant eut une mine de réflexion intense, cachant sa joie immense, il avait terriblement peur que tout ceci soit une farce.

— Quelqu'un comme moi n'a pas sa place à Poudlard, décréta-t-il finalement en tendant sa lettre à Albus. Celui-ci baissa doucement la main tendue du garçon et remonta ses lunettes sur son nez avant de reprendre la parole.

— Tu as ta place là-bas, nous ferons attention à ce qu'il ne t'arrive rien ainsi qu'aux autres élèves et professeurs. Nous avons tout mis en oeuvre pour que tous soient en sécurité et que tu puisses étudier sans te soucier de la pleine lune. Le voyant soucieux, Albus prit le jeune par les épaules. Tu n'as aucune raison de t'inquiéter, tout changera à l'école, tu auras des amis, tu pourras grandir en ayant l'une des meilleures éducations du pays, tu seras un grand sorcier et personne n'a le droit de t'empêcher de l'être, ni même toi.

Une fois que ce grand sorcier partit laissant Remus avec sa lettre d'admission à l'école de sorcellerie en main, tout changea. Le petit sorcier voyait le monde autrement, il n'était plus cantonné à se cacher du monde, tout ça c'était fini ! Il allait être comme les autres et avoir un avenir, un vrai. Tout ce que le professeur Dumbledore avait mis en oeuvre pour qu'il puisse intégrer l'établissement avait réchauffer le coeur de Remus, il ne s'attendait plus à aucune sympathie humaine à son égard, il était infiniment reconnaissant envers ce grand sorcier mais surtout ce grand homme, il ne voulait pas le décevoir.

Voilà comment Albus Dumbledore avait contribué à sa guérison, grâce à lui, ses blessures commençaient à se résorber.


© _Viviie.